La parole à Luc Blaison, acteur de la biodiversité
Luc Blaison, technicien forestier territorial à l’Office national des forêts, nous emmène découvrir les particularités de la réserve biologique intégrale (RBI) de la forêt domaniale des Maures (Var), une forêt en libre évolution, véritable laboratoire à ciel ouvert permettant l’étude de la faune et la flore sauvages. Prenons-en de la graine !
Qu’est-ce qu’une forêt classée réserve biologique intégrale ?
Les réserves biologiques ont commencé à se développer en France dans les années 50. C’est au cours des années 90 que le concept de réserve intégrale s’est mis en place.
Une réserve biologique est un espace dédié à la préservation de la biodiversité et à l’observation de l’évolution de la nature, et par extension, c’est donc un statut de protection. Dans le cas des réserves biologiques dirigées (RBD), les interventions humaines sont ciblées et ont pour objectif la conservation d’habitats naturels ou d’espèces rares et vulnérables. À l’inverse, les réserves biologiques intégrales (RBI) sont en libre évolution. Les seules interventions autorisées sont l’élimination d’espèces exotiques et la sécurisation des routes et sentiers longeant ou traversant la réserve. Les RBI ont vocation à conserver des noyaux de forêts naturelles sans exploitation depuis au moins 50 ans.
Dans cette réserve, l’objectif est de mettre la biodiversité sous cloche, sans intervention humaine pour voir comment elle évolue naturellement.
Le statut de RBI n’empêche pas l’accueil du public qui est l’une des spécificités du massif des Maures. Elle s’est dotée d’un schéma d’accueil du public qui prévoit des sentiers de randonnée balisés ainsi que l’accès à certains sites remarquables avec des vues panoramiques sur le littoral méditerranéen. La Chartreuse de la Verne, monument historique et culturel des Maures, est une enclave dans la réserve et accueille 40 000 visiteurs chaque année.
L’Homme est accepté mais doit respecter la nature. Par exemple, si un arbre tombe sur un sentier, il n’y aura que la portion qui bloque le chemin qui sera coupée. Le bois sera réservé de part et d’autre du sentier, jouant son rôle d’hôte pour les insectes, mousses et autres lichens….
Quelles sont les spécificités biologiques et géologiques du massif des Maures ?
Auparavant, la forêt des Maures abritait une activité pastorale, charbonnière, d’écorçage du liège… Il y avait une forte empreinte de l’Homme sur cette forêt méditerranéenne. Le sol acide du massif des Maures a permis à d’immenses châtaigniers, devenus plus que millénaires, d’occuper une surface d’environ 2500 hectares. De nombreux chênes-liège sont également présents dans la réserve naturelle et ont permis la fabrication de bouchons et d’isolants pendant des siècles. Actuellement, cette suberaie (forêt de chêne-liège) fait partie d’un réseau d’études sur la santé d’espèces forestières fragilisées par le changement climatique. Les informations obtenues par les scientifiques sont essentielles pour la bonne gestion de cette essence atypique qui offre de micro-habitats à une faune associée à ces milieux.
Nous retrouvons aussi le pin maritime, utilisé pour la fabrication de bois, de résine (gemmage), ou encore de goudron de Provence.
En France, il n’existe plus de « forêts vierges »
Avec un cœur de réserve de 2500 hectares et 1000 hectares de zone écologique avec des paysages très diversifiés, la forêt des Maures s’impose comme une RBI originale. La châtaigneraie sauvage, la pinède, la suberaie et le maquis forment un écosystème varié et représentatif d’un espace méditerranéen. Le paysage est également très contrasté avec des milieux combinant des habitats de crêtes, des habitats forestiers matures et des ripisylves (formations boisées, buissonnantes et herbacées présentes sur les rives d'un cours d'eau) conservant une faune et une flore remarquables.
Bien que le principe même d’une RBI soit de limiter les interventions humaines, cette diversité de milieux a été permise grâce à l’Homme qui a introduit certaines espèces comme le châtaignier et le pin maritime. En France, il n’existe plus de « forêts vierges ».
Quels sont les effets positifs visibles de l’absence d’activité humaine sur la nature ?
La réserve naturelle des Maures représente un terrain privilégié pour des recherches scientifiques nécessitant des suivis de longue durée. Dans ce « laboratoire du vivant », de nombreux naturalistes et scientifiques viennent étudier les écosystèmes forestiers méditerranéens pour comprendre comment évoluent ces espaces naturels.
Il y a un effet réservoir qui montre que, dès qu’un espace est moins soumis à l’intervention humaine, les animaux, les insectes reviennent très vite. Certaines plantes qui avaient fortement diminué, comme les orchidées et les campanules, reviennent. La population animale augmente elle aussi dans cette forêt dense au sein de laquelle les animaux peuvent facilement trouver refuge.
Au total, près de 900 espèces végétales ont été identifiées et observées par une commission scientifique, dont 32 espèces protégées au niveau national.
Certaines espèces sont emblématiques du territoire comme la tortue d’Hermann, la Genette commune ou le Murin de Bechstein (chauve-souris). De nouvelles espèces moins spectaculaires mais tout aussi surprenantes, comme l’Anomaloptera, insecte de 2 mm vivant entre 50 et 2 mètres de profondeur, ouvrent les portes de nouvelles études. Cet insecte, découvert en 2018 par un scientifique du CNRS de Marseille, laisse présager que nous ne sommes qu’au début de belles surprises scientifiques.
Au total, près de 900 espèces végétales ont été identifiées et observées par une commission scientifique, dont 32 espèces protégées au niveau national. On note également 192 espèces différentes d’insectes consommateurs de bois mort. Grâce à elles, une partie des sels minéraux retourne à la terre et forme l’humus. C’est donc tout un écosystème qui se complète et on comprend mieux le choix de mettre le statut de RBI par le foisonnement de la biodiversité exceptionnelle qui s’y trouve.
Photo : © Steve Garvie
Quel est le message que vous souhaitez faire passer pendant la Fête de la nature ?
Pendant la Fête de la Nature, j’aimerais faire passer un message essentiel : « L’Homme fait partie intégrante du milieu naturel mais il est aussi responsable de près ou de loin de son avenir ».
La RBI des Maures est une forêt protégée de toute exploitation depuis sa création. Elle est restée, avant même de devenir une RBI, à l’état quasi-naturel depuis des siècles. Plus grande réserve biologique de France méditerranéenne, les participants partiront à la découverte de la RBI des Maures et pourront vivre une véritable plongée dans le grand vert !