La parole à The Blue Martin, acteur de la biodiversité
Martin, alias « The Blue Martin » sur Instagram, Parisien occupant d’un appartement dans le 11e arrondissement, nous partage sa démarche pour transformer son balcon de 2 mètres carré en mini-refuge pour la biodiversité urbaine. Prenons-en de la graine !
Pourquoi faire d’un balcon un refuge pour la biodiversité ?
J’ai cette passion de la nature profondément ancrée en moi qui date de l’enfance : petit je passais mon temps dans le jardin, je connaissais tous les animaux, les insectes sur le bout des doigts… La trentaine venant, après m’être détourné de ces sujets pendant une période pour me concentrer sur mes études, c’est revenu de manière assez impérieuse. La lecture des rapports du GIEC, de toute la littérature sur la dégradation de l’environnement et d’autres ouvrages sur l’effondrement de la biodiversité m’ont fait prendre conscience que je devais faire quelque chose à mon petit niveau. J’ai donc commencé par créer mon compte Instagram (The Blue Martin) en 2018 pour mettre en avant des personnes qui préservent la biodiversité, puis j’ai passé l’étape supérieure en décidant d’agir avec les moyens dont je disposais.
La première étape de mon action a été la labellisation d’un jardin de 800m2 en centre ville (en Touraine) appartenant à un ami que j’ai convaincu d’entrer dans la démarche « Refuge LPO » : diversification des habitats pour la faune, non-usage de pesticides, installation de nichoirs… les résultats n’ont pas tardé à être observés et aujourd’hui on constate avec bonheur une grande diversité d’oiseaux, d’insectes et même la présence d’orchidées sauvages !
Je me disais que n’importe quel endroit où je pouvais tenter d’améliorer l’accueil de la biodiversité, il fallait le faire.
Courant 2019 j’ai emménagé dans un appartement situé dans le 11e arrondissement de Paris. J’avais entendu parler du programme balcon LPO et je me disais que n’importe quel endroit où je pouvais tenter d’améliorer l’accueil de la biodiversité, il fallait le faire. J’ai profité de l’hiver pour réfléchir à la façon d’y parvenir, j’ai lu la littérature sur le sujet et au printemps je me suis lancé !
Pourquoi avoir fait le choix d’agir sur une si petite surface ?
Chaque geste compte, certains diront que ça ne sert a rien mais moi j’estime que c’est tout ce que j’ai. Et comme je suis quelqu’un de pragmatique, je fais avec ce que j’ai. Un petit balcon c’est déjà le début de quelque chose… des centaines, des milliers de balcons pourraient créer une trame végétale pour la faune en ville !
La faune urbaine va de lieux en lieux, de jardins en balcons, de balcons en parcs, elle bouge dans la ville, je fais désormais partie d’une trame.
Je crois que l’on a tendance à mettre la nature sur un piédestal mais la biodiversité c’est aussi beaucoup de diversité de milieux et d’habitats qui sont une construction artificielle entretenue par l’Homme. En ville, on peut le faire à une petite échelle notamment grâce au jardinage qui permet aux différentes espèces de s’installer et de trouver une réserve en nourriture. Parce qu’effectivement si je ne plantais pas, si je n’entretenais pas, les insectes ne viendraient pas. Bien sûr, il faut connaître ses limites : j’ai conscience que je ne crée pas une réserve naturelle sur mon balcon, par contre j’offre un espace pour les oiseaux et les insectes, des conditions qui leur permettent de se développer, de se nourrir. Mon balcon est devenu une étape sur leur circuit : la faune urbaine va de lieux en lieux, de jardins en balcons, de balcons en parcs, elle bouge dans la ville, je fais désormais partie d’une trame.
Quelles actions ont été mises en place sur ce balcon ?
La première chose a été de m’informer grâce à la documentation et les recommandations sur le sujet pour tenter de faire au mieux : choix des essences de plantes adaptées à la région, sélection de mélanges mellifères en fonction de l’exposition, identification des abris utiles prenant en compte la situation de mon balcon (je suis au 4e étage)… Pendant le confinement j’ai fait toute l’installation et une fois les jardinières et pots posés ainsi que les végétaux semés ou plantés, finalement ça pousse assez naturellement pour peu que l’on prenne le temps d’arroser régulièrement.
Pour apporter un soutien supplémentaire aux oiseaux et aux insectes au cours du printemps et de l’été, j’ai également disposé une coupelle dont je renouvelle quotidiennement l’eau. Il m’arrive d’apercevoir des mésanges, merles et pigeons ramiers s’y désaltérer.
Enfin, comme j’avais l’intention d’apporter les conditions les plus favorables possibles pour accueillir les espèces, j’ai installé un hôtel à insectes et un nichoir avec l’espoir qu’il héberge un couple de mésanges.
Quels sont les résultats ?
Là où c’est vraiment extraordinaire, c’est que sur ce petit balcon de 2 mètres carré j’ai eu un nombre d’insectes inespéré.
Je n’aurais jamais imaginé avoir autant de bêtes, les résultats ont été bien au delà de mes attentes ! Bien qu’étant dans un endroit très minéral du 11e arrondissement, j’ai pu voir des guêpes, des syrphes, des chenilles, des mouches, des abeilles, des coccinelles en masse qui sont venues coloniser les jardinières pour manger les pucerons.
Concernant les oiseaux, la grande surprise a été la découverte d’un couple de pigeons ramiers dans une jardinière particulièrement profonde que j’ai accepté, avec l’accord de mon voisinage. Cette découverte a été une très bonne expérience pour moi parce que j’ai vu le couple de pigeons s’installer, les œufs, les oisillons, je les ai vu grandir… J’allais arroser mes tournesols qui poussaient dans cette jardinière sans les effaroucher. A chaque fois la femelle partait, elle me laissait avec ses oisillons, j’arrosais, je rentrais et elle revenait. Bien sûr je ne touchais pas les oisillons ! Ils sont venus d’eux mêmes et vont certainement revenir chaque année.
En revanche l’hôtel à insectes n’a pas du tout été visité, je l’ai acheté directement fait et je pense que c’est une erreur, j’avais lu que c’était mieux de le faire soi-même. On est humain, il y a des choses qui marchent, d’autres qui ne marcheront pas. Il faut tester, changer, expérimenter… C’est comme la nature, c’est une éloge de la patience, de l’humilité, ce n’est pas parce que ça a été super cette année que l’année prochaine j’aurais les mêmes résultats. Avant 2019 je n’avais pas du tout d’expérience dans le jardinage, je me contentais simplement d’observer la nature, les insectes… Cette première année va aussi me permettre de mieux comprendre le comportement de certaines espèces, de faire évoluer mes pratiques et de m’améliorer !
Tout au long du mois de septembre,« The Blue Martin » sur Instagram nous fera découvrir une série de jardins franciliens qui ouvriront pendant la Fête de la Nature en allant à la rencontre de leurs propriétaires. Quels seront les messages passés à travers cette action ?
Quand on accepte de réserver des espaces pour la nature, elle vient les coloniser plus rapidement que ce que l’on pense et c’est un pur bonheur !
Surprenez-vous ! Croyez-y, surprenez-vous, la biodiversité est là lorsqu’on lui donne la chance d’être là. Tant que tu n’as pas essayé tu ne peux pas te rendre compte que les oiseaux passent, même sur un rebord de fenêtre. Quand on accepte de réserver des espaces pour la nature, elle vient les coloniser plus rapidement que ce que l’on pense et c’est un pur bonheur ! Bonheur de faire, bonheur de voir pousser, bonheur de tailler, bonheur aussi de manger les fruits, bonheur de partager avec les enfants… Cette dimension plaisir est hyper importante et il ne faut pas l’oublier car c’est elle qui peut nous inviter à tous nous y mettre. Il faut y croire, la ville a aussi son rôle à jouer, c’est entre les mains des habitants, des particuliers.
Je tiens également à faire passer un autre message : la reconnexion passe aussi par l’observation de la nature aussi petite soit-elle ! Entretenir un espace de nature dans un jardin, sur un balcon, cela peut devenir un hobby et ça vide la tête, c’est un temps où on met son téléphone de côté, on regarde les plantes, on regarde les insectes qui viennent s’y poser… même sur une toute petite surface, c’est déjà un pas de plus pour changer de regard sur la nature qui nous entoure.