La parole à Delphine Vinet, actrice de la biodiversité
Delphine Vinet, en charge de la communication du vignoble et de la vente des vins, nous présente l’environnement du vignoble et les actions concrètes qui y sont menées pour préserver et renouer avec la biodiversité. Prenons-en de la graine !
L'association Fête de la Nature : Qu’est-ce qui vous a poussé à mettre en place une démarche respectueuse de la biodiversité ?
Delphine Vinet : Le Domaine Émile Grelier, c’est avant tout une aventure familiale. Je m’occupe de la communication et de la vente, tandis que Benoit, gère la partie production. Il a eu la chance de grandir dans une ferme biologique et en biodynamie. Depuis, son ouverture écologique a touché toute la famille.
"Notre démarche se veut holistique, (...) nous nous efforçons de replacer le vignoble au centre d’un écosystème équilibré favorable à tous."
Notre premier objectif était d’avoir une vigne certifiée Agriculture bio. Par la suite, en rencontrant des naturalistes et des écologues, nous avons compris l’importance de favoriser le développement de la biodiversité dans le milieu agricole. Grâce à l’agriculture biologique, la biodiversité n’est pas détruite. Mais pour développer cette biodiversité, il faut aller plus loin, en remédiant notamment à la monoculture de la vigne.
Ainsi, notre démarche se veut holistique, c’est-à-dire qu’elle s’efforce de considérer les totalités plutôt que les parties en gardant en tête que chaque élément est en interaction constante avec les autres (animaux, plantes, insectes, hommes, vigne…). Nous nous efforçons au mieux de replacer le vignoble au centre d’un écosystème équilibré favorable à tous.
L'association Fête de la Nature : Quelles actions avez vous mené pour améliorer le vignoble tout en favorisant la biodiversité ?
Delphine Vinet : La création du vignoble avec une certification Agriculture Biologique nous a permis d’opter pour un mode de production respectueux de l’environnement. Nous avions pour idée initiale de faire revenir les arbres au sein du vignoble. Autrefois, les vignes évoluaient avec les arbres, mais à cause de la mécanisation excessive, ils ont été coupés pour permettre le passage des tracteurs. En plantant des arbres, notre but était d’adapter le matériel et les techniques à la nature, et non l’inverse. Sur 8 hectares de terrain, nous trouvons aujourd’hui 570 arbres (sans compter les haies). Nous souhaitions également accueillir des chauves-souris sur le vignoble, amies précieuses des vignerons, car elles se nourrissent des papillons nocturnes qui pondent sur le raisin et dont les chenilles détériorent les baies. Planter des arbres permet aux chauves-souris de se repérer dans tout le vignoble car ils deviennent des obstacles pour leurs ultrasons, leur permettant de construire une image auditive de leur environnement.
"Autrefois, les vignes évoluaient avec les arbres, mais à cause de la mécanisation excessive, ils ont été coupés pour permettre le passage des tracteurs. En plantant des arbres, notre but était d’adapter le matériel et les techniques à la nature, et non l’inverse."
Pour aller encore plus loin dans la démarche, nous avons contacté plusieurs associations et différents acteurs pour nous conseiller et nous guider. Nous sommes désormais labellisés « Refuge LPO » et « Refuge pour les Chauves-Souris » et nous traitons avec divers partenaires comme l’Office pour les insectes et leur environnement, Arbre et Paysage…
Ainsi, nous avons limité le travail du sol en arrêtant les labours qui libèrent du carbone et perturbent la structure et la faune du sol. Nous sommes également entrés dans une démarche de fauchage raisonné et de renforcement de nos couverts végétaux qui sont semés entre les rangs de vigne afin de faciliter l’infiltration de l’eau, de respecter l’habitat des vers de terre, de créer une matière végétale en surface afin de protéger le sol du ruissellement de l’eau, de la chaleur, tout en attirant de nombreux insectes. En séchant, ce couvert végétal fournit un paillage de qualité qui nous fait entrer dans des techniques de permaculture en améliorant considérablement la structure du sol. Maintenant, c’est toute une flore sauvage spontanée qui s’est développée.
"En entrant dans une démarche de fauchage raisonné et de renforcement de nos couverts végétaux (...), une matière végétale s'est créée en surface afin de protéger le sol du ruissellement de l’eau, de la chaleur, tout en attirant de nombreux insectes."
Toutes ces plantes ont attiré beaucoup d’insectes différents. Nous avons donc installé des nichoirs pour les oiseaux et des gîtes pour les chauves souris afin de réguler la population d’insectes. Les chauves-souris jouent un rôle de prédation sur la population d’insectes la nuit, relayées par les oiseaux le jour. La diversité végétale semée entre les rangs de vigne leur fournit un garde-manger varié. Nos recensements comptent aujourd’hui 7 espèces différentes de chauve-souris. Pour que ces auxiliaires ne s’attaquent pas à notre production, nous avons creusé des mares afin de les approvisionner en eau. La création des mares a permis le développement d’une nouvelle flore et d'une nouvelle faune, avec notamment de nombreux batracien (salamandres, …) et de libellules.
"Les chauves-souris jouent un rôle de prédation sur la population d’insectes la nuit, relayées par les oiseaux le jour. La diversité végétale semée entre les rangs de vigne leur fournit un garde-manger varié. (...) Le développement des petits rongeurs est naturellement régulé grâce aux rapaces et aux serpents."
Le système de paillage et de fauchage raisonné favorise le développement de petits rongeurs qui sont naturellement régulés grâce aux rapaces et aux serpents. Nous avons donc construit d’autres partenariats avec le centre de sauvegarde de la faune sauvage de la LPO pour faire des relâchers de chouettes chevêches dans le vignoble. Même si elles ne restent pas toutes sur le domaine, elles travaillent à la prédation des rongeurs le temps qu’elles y passent. Pour les serpents, nous avons installé des plaques noires qui accumulent la chaleur, incitant les serpents à s’y réfugier. En plantant des haies, en respectant les fossés, nous remarquons une forte augmentation de leur population.
L'association Fête de la Nature : Quels sont les effets positifs de vos actions sur la nature ? Est-ce que vous constatez une réelle différence en terme de biodiversité par rapport à d’autres productions ? Quels avantages en retirez vous pour le domaine et les cultures ?
Delphine Vinet : Avec la mise en place de ces actions, c’est un cercle vertueux qui se crée. Par exemple, le couvert végétal semé entre les pieds de vigne permet le développement de toute une flore sauvage spontanée. Nous avons recensé 7 espèces d’orchidées sauvages ainsi qu’une anémone couronnée qui est une fleur en voie de disparition. Grâce aux recensements menés régulièrement par nos associations partenaires, nous remarquons un réel développement de la biodiversité.
Toutes ces démarches nous permettent de rentrer dans des protocoles scientifiques, en relation avec des ingénieurs agronomes. Par exemple, nous participons actuellement à Viti-Chiro (activité des chauves souris en milieu viticole) après avoir intégré pendant 3 ans un suivi Vitiforest (impact de l’arbre en milieu viticole). Avec ces programmes, nous avons accès à des données quantifiées pour affiner nos démarches et les faire évoluer.
"Toutes ces démarches nous permettent de rentrer dans des protocoles scientifiques, en relation avec des ingénieurs agroalimentaires (...) et nous avons accès à des données quantifiées pour affiner nos démarches et les faire évoluer."
Le paysage change également par rapport aux productions qui ne font que de la monoculture : au printemps nous apercevons des fleurs, en été ce sont les fruits, les arbres plantés nous permettent d’avoir des moments ombragés… On passe d’un paysage initialement monotone à un paysage varié. Évoluer auprès des oiseaux, des insectes, des plantes profite également aux employés qui travaillent sur le vignoble. Les objectifs sont remodelés et la motivation accrue. Ce mode de production nous permet d’avoir un produit fini de meilleure qualité. Selon les œnologues, nos vins présentent des aromatiques plus prononcées et se conservent mieux, car nos sols sont beaucoup plus vivants.
L'association Fête de la Nature : Pendant la Fête de la Nature, quelle manifestation prévoyez-vous ? Quel message aimeriez-vous faire passer ?
Delphine Vinet : En tant que vignerons, cette façon de produire nous procure une harmonie de conscience. C’est ce que nous souhaitons faire passer comme message pendant la Fête de la Nature : n’ayez pas peur de semer des idées alternatives car il est possible de faire autrement.