Thierry Lamant

La diversité génétique pour faire face au changement climatique
Thierry Lamant a une passion d’enfance : les arbres. Il en a fait son métier. Technicien forestier et dendrologue dans un service de recherche forestière de l’Office national des forêts (ONF), il participe à l’étude des capacités d’adaptation des espèces forestières au réchauffement.
« Le dendrologue est aussi menacé que les plantes dont il s’occupe » ironise Thierry Lamant. Technicien forestier au Conservatoire Génétique des Arbres Forestiers (CGAF), un laboratoire du département Recherche Développement et Innovation de l’ONF associé à l’INRA*, l’homme est spécialisé en dendrologie. Branche de la botanique, cette discipline scientifique étudie arbres et arbustes, c’est-à-dire les plantes ligneuses qui produisent du bois par opposition aux plantes vivaces ou annuelles. « C’est une science fondamentale qui n’intéresse plus personne aujourd’hui. La dendrologie ne s’enseigne quasiment plus en France, regrette Thierry Lamant. Il existe heureusement des amateurs très actifs mais, à 52 ans, je suis l’un des plus jeunes ! » Cette passion est née au début des années 1970 à la faveur d’une rencontre avec… un arbre bien sûr. Adolescent, Thierry se promène dans un parc « en bas de chez moi, en banlieue parisienne ». Il va y croiser un « spécimen magnifique » de cyprès chauve : « C’est un arbre fabuleux, une des rares espèces à pouvoir vivre toute l‘année sous nos climats avec un mètre d’eau au niveau du tronc. » Ses parents lui offrent alors un guide sur les arbres, il veut en faire son métier mais « manque de bol », n’a pas le niveau suffisant en maths pour prétendre à un bac scientifique. Le jeune homme se tournera alors vers un BEP de sylviculture. Ce diplôme lui permet d’être embauché comme agent technique forestier par l’ONF puis de rejoindre à la grâce de « concours internes » son laboratoire actuel.
Diversité et adaptabilité
L’équipe dans laquelle travaille Thierry étudie plus particulièrement la diversité génétique des populations d’arbres forestiers. « Au sein d’une même espèce et de leurs individus, il existe une très grande variabilité, explique le dendrologue. Les arbres c’est un peu comme les gens : certains résistent bien à la grippe, d’autres sont enrhumés toute l’année. » Et de citer l’exemple du chêne pubescent : « Les arbres que l’on trouve en Lorraine par exemple ont des feuilles plus grandes, plus molles et moins poilues que celles de ceux qui poussent en région méditerranéenne. Les poils limitent en effet l’évapotranspiration. » Et la connaissance de cette diversité est aujourd’hui extrêmement importante pour aider les forêts et les forestiers à s’adapter au changement climatique : « Plus vous avez un large panel de populations plus vous avez un potentiel de capacités d’adaptation. »
Des espèces en danger
Car les arbres subissent aussi les conséquences des changements climatiques. Emblématique, le cyprès de Tassili ou cyprès de Duprez est l’un des arbres les plus menacés du monde. L’espèce est classée « en danger critique d'extinction » par l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Seuls quelques 250 derniers représentants sauvages de ce conifère résistent à l’aridification dans une région montagneuse du Sahara, au sud-est de l’Algérie. « Aujourd’hui, le cyprès de Tassilli ne se reproduit plus que dans nos arboretum du sud de la France. » Et c’est d’ailleurs l’une des autres des missions de Thierry Lamant : l’étude du comportement d’espèces d’arbres exotiques conservées dans les arboretums. Ainsi le gigantesque séquoia toujours vert originaire de Californie ou le sapin de Céphalonie venu de Grèce « pourraient présenter localement un intérêt pour le reboisement dans le cadre du changement climatique ».