François Letourneux, président de la Fête de la Nature
Président de la Fête de la Nature depuis sa création, François Letourneux milite pour mieux faire connaître, renforcer l'attention portée au monde vivant, à cette grande famille, comme il l'appelle, dont nous faisons partie. À minima une fois par an, au mois de mai, dans un esprit joyeux, un esprit de fête...
François Letourneux est président du Conservatoire national des plantes à parfum, médicinales, aromatiques et industrielles, coprésident du conseil scientifique et d’éthique du Parc et de la Réserve de biosphère de Camargue, et membre de l’Autorité environnementale.
« Depuis plus de cinquante ans, ma vie professionnelle et mes engagements personnels sont voués à la protection de la faune, de la flore et des milieux naturels. J'ai dirigé, de 1992 à 2004, le Conservatoire du Littoral après avoir, pendant 9 ans, été directeur de la Protection de la nature au ministère de l’Environnement. Forestier de formation, j’ai commencé ma carrière dans le Nord-Pas-de-Calais, où j’ai notamment développé et dirigé le réseau des parcs naturels régionaux. Je milite aujourd’hui à la LPO, à l’Opie… »
A l'origine de la création de la Fête de la Nature en 2006
François Letourneux est aussi, depuis sa création, président de la Fête de la Nature, qu’il a contribué à inventer il y a près de 20 ans, alors qu’il était à la tête du comité français de l’UICN (union internationale pour la conservation de la nature) : « C’était en 2006. Une de ces rencontres entre organismes de protection de la nature. Elles comportent en général une soirée un peu débridée où l’on compare les délices culinaires et œnologique de chaque région représentée. Un moment de convivialité et de débats parfois échauffés, parfois un peu embrumés, entre naturalistes praticiens.
Nous y avons évoqué un paradoxe : les lanceurs d’alerte sont essentiels pour nous faire prendre conscience des menaces qui pèsent sur une biodiversité en crise. Mais ils ne suffisent pas à nous mobiliser concrètement. Ils peuvent même décourager, conduire au déni.
Nous avons aussi partagé un constat : nous perdons contact avec la nature. Nos grands-parents y étaient immergés. Ils avaient avec les animaux, avec les plantes une familiarité, des relations quotidiennes. Parfois brutales, mais concrètes. Notre mode de vie est, même à la campagne, de plus en plus urbain. Les trajets domicile-travail en voiture ou en train nous isolent. Le temps que nous consacrons à nos écrans n’est plus disponible pour écouter les oiseaux, pour sentir l’odeur de la forêt… Nous n’avons pas expérimenté de nouveaux rapports, moins violents, pacifiés, avec le vivant autour de nous. Nous l’avons perdu de vue, et laissé s’installer l’indifférence, l’ignorance. »
... malgré les menaces, le monde vivant est riche, passionnant, divers. Parce que, si on sait la regarder, la Nature est une Fête.
Chacune des structures, publiques ou privées qui s'occupe de nature, tente d’apporter sa propre réponse, en organisant tous les ans ses journées portes ouvertes, ses manifestations, à sa petite échelle. « Ces opérations sont utiles, sympathiques, mais elles mobilisent presque exclusivement les bénévoles, les amis, les convaincus. Ce soir de 2006, nous avons donc décidé de créer une grande fête annuelle, organisée en commun par tous les organismes publics et privés qui travaillent avec et pour la nature. D’y inviter tous nos voisins, même, et peut-être surtout, ceux qui sont le plus loin de connaître, de comprendre, de fréquenter cette nature. Pour les y emmener joyeusement, pour leur en montrer les merveilles, qu’ils côtoient parfois sans les voir. Pour contribuer, modestement mais avec conviction, à leur en redonner le goût. Parce que, malgré les menaces, le monde vivant est riche, passionnant, divers. Parce que, si on sait la regarder, la Nature est une Fête. »
© Louis-Marie Préau - Fête de la Nature
Est-ce si important de renouer le lien avec le vivant ?
« Nous sommes plus attentionnés à l’égard des gens que nous connaissons, que nous aimons qu’à ceux que nous ignorons. Or le monde vivant, nous en faisons partie. C’est comme notre famille. Et cette famille a besoin de toute notre attention : sa richesse, sa diversité sont menacées. Une famille, ce n’est pas tout rose. Il y a des cousins "relous", comme ces sangliers qui retournent mon terrain sans vergogne. Des casse pieds, comme ces limaces qui dévorent mes haricots. Mais ça reste ma famille. Je m’efforce de la connaître, de la comprendre. Et je sais qu’elle peut, si je vais à sa rencontre, m’émerveiller, me surprendre, me rendre plus heureux.
Si les milliers d’organisateurs de balades pour la Fête de la Nature font partager au million de personnes qu’ils mobilisent un peu de leur curiosité, de leurs connaissances, de leur familiarité avec les plantes, les animaux et leurs passionnantes relations, s’ils parviennent à allumer chez eux l’envie de renouer des liens distendus avec le vivant, de sortir de l’indifférence, nous aurons rempli notre mission ! »
Et l’avenir ?
« Ce sont tous les organisateurs engagés dans la Fête qui traceront ensemble, comme ils ont su le faire au cours de ces dix-huit années, son avenir. Il y a des pistes de réflexion prioritaires : comment nous ouvrir plus encore à l’international, à l’Europe. Comment mieux associer ceux qui sont, plus que les autres, privés de nature… Je fais confiance à tous ces enthousiasmes, à l’équipe de la Fête de la Nature pour la faire, longtemps encore, fleurir et fructifier ! »